Gestation pour autrui (GPA) : enjeux et perspectives de légalisation

La gestation pour autrui (GPA) suscite de nombreux débats depuis plusieurs années. Cette pratique consiste à faire appel à une femme qui porte un enfant pour le compte d’un couple ou d’une personne seule, lesquels deviendront les parents légaux de l’enfant après sa naissance. Cet article a pour objectif d’analyser les enjeux et les perspectives de légalisation de la GPA, en tenant compte des aspects juridiques, éthiques et sociaux.

Le cadre juridique actuel et ses limites

La GPA est actuellement interdite dans de nombreux pays, notamment en France, où le Code civil stipule que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Cette interdiction repose sur plusieurs principes fondamentaux du droit français, tels que le respect du corps humain, l’indisponibilité du corps et l’indisponibilité de l’état des personnes.

Cependant, cette interdiction pose des problèmes juridiques et pratiques. En effet, certaines personnes recourent à des GPA réalisées à l’étranger, dans des pays où cette pratique est autorisée ou encadrée. À leur retour en France, ces couples rencontrent souvent des difficultés pour faire reconnaître la filiation entre eux et l’enfant né de la GPA. La jurisprudence française a progressivement évolué sur ce point, sous l’impulsion notamment de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

En 2014, la CEDH a condamné la France pour avoir refusé de transcrire à l’état civil les actes de naissance d’enfants nés d’une GPA réalisée à l’étranger. La Cour estime que cette situation porte atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale des enfants et de leurs parents. Depuis lors, la jurisprudence française a évolué pour faciliter la transcription des actes de naissance étrangers dès lors qu’ils sont conformes à la réalité biologique.

Les arguments en faveur de la légalisation de la GPA

Plusieurs arguments sont avancés en faveur de la légalisation de la GPA. Tout d’abord, il est souvent souligné que cette pratique permettrait à des couples stériles ou infertiles, ainsi qu’à des couples homosexuels ou des personnes seules, de réaliser leur désir d’enfant. La GPA pourrait ainsi être considérée comme une solution alternative à l’adoption, qui présente elle aussi des difficultés et des contraintes importantes.

Un autre argument en faveur de la légalisation de la GPA réside dans le constat que cette pratique existe déjà, y compris pour des ressortissants français qui y ont recours à l’étranger. L’interdiction pure et simple ne permet donc pas d’empêcher les GPA ni d’en encadrer les conditions. Certains estiment dès lors qu’il serait préférable de légiférer sur cette question afin d’établir un cadre juridique clair et protecteur pour toutes les parties concernées : la mère porteuse, les parents d’intention et l’enfant à naître.

Enfin, il est souvent avancé que la GPA pourrait être encadrée de manière à prévenir les risques d’exploitation et de marchandisation du corps des femmes. Par exemple, on pourrait imaginer un système de « GPA éthique » reposant sur le volontariat et l’altruisme, sans rémunération pour la mère porteuse, ou alors une indemnisation limitée aux frais occasionnés par la grossesse.

Les objections à la légalisation de la GPA

De nombreuses objections sont également formulées à l’encontre de la légalisation de la GPA. Parmi elles, certaines portent sur les risques d’atteinte aux principes fondamentaux du droit français évoqués précédemment. La GPA consisterait en effet à instrumentaliser le corps des femmes et à créer un lien contractuel entre elles et les parents d’intention, ce qui pose des questions éthiques et juridiques complexes.

Un autre argument souvent avancé est celui du « slippery slope » (la pente glissante), selon lequel la légalisation de la GPA pourrait conduire progressivement à une banalisation et une marchandisation du corps humain. Les opposants à la GPA craignent ainsi que cette pratique ne débouche sur une forme de « procréation à deux vitesses », réservée aux personnes aisées capables de financer le recours à une mère porteuse.

Enfin, certains soulèvent des interrogations relatives aux conséquences psychologiques pour les enfants nés d’une GPA, notamment en matière d’identité et de construction de soi. Ces questions sont toutefois difficiles à trancher, faute d’études suffisamment nombreuses et approfondies sur ce sujet.

Perspectives d’évolution

La question de la légalisation de la GPA reste donc ouverte et controversée. Les enjeux juridiques, éthiques et sociaux sont multiples et complexes, ce qui rend difficile la définition d’un cadre législatif satisfaisant pour toutes les parties concernées. Néanmoins, il semble incontestable que le statu quo actuel est insatisfaisant et qu’une réflexion approfondie sur cette question est nécessaire.

Plusieurs pistes pourraient être envisagées pour faire évoluer la législation française sur la GPA, parmi lesquelles :

  • la reconnaissance encadrée des GPA réalisées à l’étranger, avec éventuellement certaines conditions (par exemple, un suivi psychologique des enfants et des parents d’intention) ;
  • la légalisation partielle de la GPA sur le territoire français, avec un encadrement strict (par exemple, une sélection rigoureuse des mères porteuses et des parents d’intention, un accompagnement médical et psychologique) ;
  • la mise en place d’un cadre européen commun permettant d’harmoniser les législations nationales sur la GPA et de prévenir les risques de « tourisme procréatif ».

Dans tous les cas, il est essentiel que le débat sur la légalisation de la GPA se poursuive et que les différents points de vue soient entendus, afin de trouver une solution qui respecte à la fois les principes fondamentaux du droit et les aspirations légitimes des personnes concernées.

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